A la recherche du Serpent Bleu du désert de Forotou (Nouvelle Fantasy)

4 mai 2019 0 Par nadine-moncey

Accablé. Le roi Baptist est accablé. Il n’en peut plus d’entendre depuis trop longtemps les gémissements ininterrompus de tous ces jeunes garçons à l’agonie. Une étrange épidémie s’est emparée de centaines de ses sujets. Parmi eux, son fils unique censé lui succéder sur le trône de Vogenfort. Il le veille jour et nuit, désemparé. Comment soulager ces bambins ? Comment sauver la vie de son héritier ?
Un soir, alors qu’il est au chevet de son enfant, une créature lumineuse vient à lui et dans un souffle lui murmure :
— Souviens-toi, Baptist, de la prophétie du fils du Soleil : à l’aube du 7e Monde, un mal inconnu dévastera la terre de Vogenfort ! Le venin du Serpent Bleu du désert de Forotou guérira les plaies et apaisera les douleurs ! La créature disparaît. Baptist se rue vers les appartements de son fidèle serviteur, le chevalier Aztevan. Toujours prêt à se mettre à la disposition de son maître, celui-ci apparaît, élancé, la longue chevelure rousse flamboyante.
— Une mission t’attend, Aztevan. Rassemble tes hommes. Va à la recherche du Serpent Bleu du désert de Forotou. Ramène-le ici. Il est le seul à pouvoir porter remède à ces enfants. Son venin est salvateur. Mon neveu Clerk t’accompagnera.
Aztevan n’a pas le temps de répliquer. Le roi est reparti auprès de son fils tant aimé. Aztevan aurait voulu lui rappeler que tous ceux qui ont franchi la porte du désert de Forotou n’en sont jamais revenus. Il n’a pas le choix, il doit exécuter cet ordre. Son ami Clerk, robuste, le regard noir, est déjà sur le pied de guerre. Ensemble, ils organisent leur expédition.
Rapidement, ils sont une trentaine à progresser sur leur destrier vers le désert du Forotou. À l’horizon, ils distinguent enfin les premières dunes. La chaleur est torride. Les bêtes commencent à souffrir et les hommes aussi. L’un après l’autre, ils endurent les brûlures causées par ce climat insupportable. Vient le tour d’Aztevan. Ce matin, impossible pour lui de tenir sur ses jambes. Sa tête tourne, tourne. Il voit des serpents bleus l’entourant de toutes parts. Il délire. Clerk prend alors les commandes. Couché sur une litière installée dans le chariot de tête, Aztevan est au plus mal. À demi conscient, il perçoit cependant la voix de Clerk s’adressant à son vassal, Guillaume :
— Contrairement au souhait de mon oncle, nous n’irons pas capturer le Serpent Bleu. Mon cousin, le Dauphin doit périr. Pour l’amour de Bianca, ma promise, je dois obtenir le trône de Vogenfort et être proclamé roi. Je me charge d’exécuter Aztevan.
Entendant ces paroles, Aztevan qui croyait en l’amitié de Clerk, se dresse sur sa couche, implore le ciel que toute son énergie lui soit rendue. Il sent des fourmillements envahir son corps, ses muscles reprennent vie. Il ordonne l’arrêt total du convoi et en récupère les rênes. Ses compagnons, y compris Clerk, saluent son fulgurant rétablissement. Mais, Aztevan sait qu’il doit dorénavant se tenir sur ses gardes. La confiance est rompue. Ce sera lui ou moi, se dit-il.
Le jour suivant, la traversée périlleuse d’un étroit défilé les attend. Le cortège se disloque. Clerk en profite pour mettre à exécution son dessein. Il isole Aztevan et l’affronte. Un combat s’instaure entre les deux hommes. Les coups s’échangent quand l’épée du jeune guerrier est projetée au loin par la fureur de son rival. Aztevan se sent vaincu. C’est alors qu’un griffon majestueux surgit, fonce sur eux. Il lance à Aztevan une dague. Surpris par cette soudaine intrusion, Clerk perd ses moyens. Son adversaire frappe. La victime a juste le temps de voir son sang s’écouler sur son torse et des larmes perler au coin des yeux de son assaillant. L’arme lui a transpercé le cœur.
Aztevan rejoint la troupe. Il explique la disparition de Clerk par une chute accidentelle dans ce passage de tous les dangers. Il fait partie des sacrifiés de cet écueil semé sur leur route, leur dit-il.
Plus loin, un sommet vertigineux sort de terre. À peine sont-ils sur le point d’entamer son ascension que d’énormes blocs de pierre dégringolent sur le versant. Certains hommes parviennent à s’écarter, d’autres sont percutés. Par chance, Aztevan survit à cet assaut.
Le ciel s’éclaircit, mais n’a pas dit son dernier mot. Les hommes déjà fragilisés par tant d’épreuves voient s’abattre sur eux un orage d’une puissance dévastatrice. La grêle frappe. Les éclairs fusent. Ils foudroient tout sous leur passage. Brandissant leur épée vers les lueurs ardentes, pommeau en main, Aztevan et ses amis repoussent en direction des nuages les zébras meurtriers qui éclatent, électrifiés, laissant la voie libre à cette expédition.
Face à cette succession d’obstacles et redoutant ceux à venir, Aztevan est désespéré. Il voit mal comment pourrait aboutir la mission confiée par le roi. Son escadron chemine à l’aveugle, déambule dans ce désert infini. Découragé, il songe à tout abandonner.
Pourtant, il reprend la direction du convoi. À la tombée de la nuit, Aztevan est soudain attiré au loin par une brèche dans un rocher d’où émane une luminosité qui l’intrigue. Il s’approche. À l’intérieur, un étrange halo l’éblouit, puis l’enveloppe. Il avance dans le long couloir. Sidérés, ses hommes ne parviennent pas à le suivre. Il arrive dans une immense salle jonchée de pierres précieuses. Il scrute les draperies de calcaire qui l’entourent. Face à lui, un reptile se redresse, agressif, émettant un sifflement strident. Le serpent, couleur de nuit, ondule. Le chevalier comprend qu’il s’agit du Serpent Bleu de Forotou.
— Ton maître ne t’a rien remis pour moi ? Interroge, menaçante, la bête rampante.
— Si, mes chars à l’extérieur transportent des malles remplies d’or.
Rassuré, le Serpent Bleu se radoucit :
— Très bien. Alors, vite  au royaume de Vogenfort ! J’ai à faire là-bas ! Je dois guérir de mon venin les enfants malades. Maintenant que tu as tracé la route, regroupe tes comparses et faites une chaîne humaine. Tu n’auras qu’à me saisir et nous repartirons tous ensemble à la vitesse de la lumière auprès du roi Baptist.