Econduit avec éclat (Ecrire à partir d’une structure existante)

27 novembre 2018 0 Par nadine-moncey

– Attends, je te passe Guillaume, murmure Stéphanie anxieuse.
Guillaume empoigne le téléphone que lui tend son épouse. Il reconnaît d’emblée Noëlle, l’amie de Stéphanie. Exaspéré, Guillaume se demande ce qu’elle a encore inventé. À peine a-t-il raccroché que le crissement des pneus de la voiture de Noëlle retentit devant leur propriété. Guillaume jette un regard réprobateur vers Stéphanie.
– Ta chère amie a décidé de nous suivre à Saint-Martin, de déjeuner avec nous à la maison et de reprendre la route jusqu’à la mer, « charmant programme ! s’exclame-t-il. »
Noëlle descend de son véhicule et avance en direction du couple. Les embrassades rituelles sont effectuées sans grande effusion.
– Tu ne perds pas de temps. Moi qui voulais partir en amoureux avec Stéphanie, lance sèchement Guillaume à Noëlle.
– Tu lui as demandé son avis ?
– Tu sauras que Stéphanie est toujours d’accord avec moi.
Malgré son assurance, il semble à Guillaume que les jeunes femmes échangent un regard de connivence. Ce qu’il n’apprécie pas vraiment ! Stéphanie ne perd rien pour attendre…
Tout est prêt. Le départ peut intervenir. Les deux voitures s’engagent en direction de l’autoroute. Furieux, Guillaume conduit nerveusement, passe ses vitesses avec fracas, tout en rongeant son frein. L’atmosphère est lourde. Stéphanie est dans ses petits souliers. Elle ose à peine respirer. Elle craint la colère qui semble habiter son mari. Pourtant, malheureusement, elle a l’habitude. Quelle bénédiction de pouvoir compter sur son amie à qui elle peut confier sans réticence les affres de ce quotidien dont elle ne parvient pas à s’échapper.
Guillaume en a plus qu’assez de l’attitude de Noëlle. Et Stéphanie qui la suit comme un aimant. Il allume une cigarette. Tant pis s’il fume dans l’habitacle, il a besoin de retrouver son calme. Et sa femme qui est incapable d’entreprendre quoique ce soit seule. Devoir subir les desiderata de cette sangsue le met hors de lui. Il s’en veut de ne pas lui avoir dit non.
Soudain, le téléphone portable de Stéphanie émet une vibration. Elle sait qu’elle a reçu un message mais espère que Guillaume n’a rien entendu. Il l’interpelle :
– Qu’est-ce que tu attends ? Réponds ! lui assène-t-il durement.
Malmenée, Stéphanie, en guise de réponse, fouille dans son sac à main et en sort son portable. Ce n’est qu’une banale annonce publicitaire. Elle en fait part à Guillaume qui émet un doute sur la provenance de ce message. Il aurait parié qu’il émanait de Noëlle. Cette intrusion aura encore renforcé sa mauvaise humeur.
Au volant, Noëlle dont l’esprit s’évade se dit que Guillaume était encore bien agité avant le départ. Une fois de plus, elle a peur pour son amie. Il a réussi à faire le vide autour de sa femme. Noëlle tient bon. Elle sait que sans elle, Stéphanie serait totalement isolée.
Excédé, Guillaume discerne les battements de son cœur et sa cigarette qui ne lui a pas apporté le calme attendu. Quelle peste, cette fille ! Il appuie sur l’accélérateur. Une pointe de vitesse devrait compenser son excès d’adrénaline. S’il pouvait semer Noëlle, ce serait merveilleux.
Devoir subir cela et garder son sang-froid. C’est toujours pareil avec Noëlle. Il faut qu’elle fourre son nez partout. C’est quand même bien elle qui est à l’origine de la séparation de Bruno et Cécile ! Constamment vouloir jouer les Saint-Bernard, défendre à tout prix les femmes. Elle se prend pour qui ? S’en débarrasser définitivement, ce serait le bonheur ! Sa petite femme pour lui tout seul, quelle félicité ! S’en débarrasser, facile à dire, mais comment ? Si seulement elle se prenait un arbre !
Ils sortent de l’autoroute et roulent sur la route de campagne qui mène à leur résidence secondaire. Noëlle les suit de près. Elle connaît mal ces petites artères peu empruntées. Ils arrivent ensemble à destination. Stéphanie et Noëlle préparent le repas tandis que Guillaume s’occupe des bagages. Il rumine son idée. Quand enfin, « eurêka ». Comme par enchantement, sa hargne s’estompe. L’ambiance du repas devient tout-à-coup plus sereine.
– Au fait, Noëlle, veux-tu que je te guide jusqu’à l’entrée de l’autoroute ? propose, bienveillant, Guillaume à Noëlle ? Je sais que tu connais peu tous ces chemins qui sillonnent la région. Cela t’évitera de perdre du temps. Tu n’auras qu’à me suivre. Et toi, Stéphanie, tu m’attendras tranquillement ici, je n’en ai pas pour longtemps.
– Excellente idée ! concède Noëlle, bien que toujours sur la défensive lorsque Guillaume est trop aimable. Car effectivement, je ne suis pas très sûre de moi par ici, poursuit-elle.
Bonne aubaine, se dit Guillaume ! La propulser dans le canal sera un jeu d’enfant. L’heure est venue pour Noëlle de reprendre la route si elle ne veut pas arriver trop tard sur son lieu de villégiature. Elle embrasse affectueusement son amie et les deux voitures s’élancent, celle de Guillaume en tête. Il roule à vive allure. Il faut un minimum d’élan pour ne surtout pas rater son coup. Il connaît suffisamment bien cette voie. Il sait exactement à quel endroit il doit agir. Parfait, Noëlle se comporte tout-à-fait comme il faut. Elle suit allègrement. Il faut dire qu’elle a une voiture super-puissante, bien plus puissante que la sienne. Il aperçoit enfin le pont qui enjambe le cours d’eau. Ses yeux sont rivés par alternance sur la route et sur son rétroviseur. Au moment propice, il freine brusquement et barre le chemin de Noëlle afin de l’obliger à plonger dans le canal en contrebas. Par un réflexe à la hauteur de la méfiance que lui inspire Guillaume, Noëlle donne alors un redoutable coup d’accélérateur qui projette brutalement le véhicule adverse contre le parapet. Sous la violence du choc, Guillaume est éjecté la tête la première sur le macadam. Il a juste le temps d’apercevoir Noëlle remercier le ciel, avant de rendre son dernier soupir.